• Qu'est-ce donc ? Ce n’est pas une nouvelle variété d’ail, mais une préparation des têtes entières, entre fermentation et confisage, qui leur confère une couleur de charbon et une consistance de marron glacé.
  • Comment le fabrique-t-on ? Le procédé consiste à enfermer l’ail frais sur un lit d’eau (de mer, pour les puristes) dans des chambres de maturation, en jouant sur la durée (de 20 à 90 jours !), la température ainsi que l’hygrométrie pour déshydrater la tête sans la dessécher. Les gousses fondent et caramélisent de l’intérieur. Les recettes express dans des cuiseurs à riz ne valent pas les produits longuement transformés dans le secret des étuves japonaises.
  • D'où vient-il ? Une quinzaine d'années après l’arrivée des premières têtes d’ail noir japonais en France, les produits espagnols caracolent déjà en tête des importations. Il s’en fabrique aussi au Chili, en Hollande, au Québec, en Angleterre, en Hongrie, ainsi qu’en Chine et en Corée.
  • Comment l'utilise-t-on ? Émietté, ou simplement tartiné, ou mélangé à un filet d’huile d’olive, il relève les viandes blanches, le foie gras, les saint-jacques, du saumon fumé, du riz, des pâtes, un fromage de chèvre…, à la manière d’un chutney ou d’une confiture de coings. Il conserve mieux ses arômes dans une préparation froide, ou juste tiédi dans une sauce crémée. D’abord adopté par les chefs, il a même séduit les pâtissiers car il se marie avec le chocolat et les fruits rouges. Il se conserve plusieurs mois au réfrigérateur.

Au pays du Soleil-Levant, l’ail noir est depuis des siècles un alicament. Les Japonais, mais aussi les Coréens et les Chinois, lui attribuent de nombreuses vertus aphrodisiaques ainsi que thérapeutiques contre l’hypertension, le cholestérol, le diabète et à peu près tous les maux de la terre… Pourtant, ses origines demeurent assez floues. Les Égyptiens en consommaient déjà 3000 ans avant Jésus-Christ, et il aurait atteint le Japon, via la Chine, autour du VIIIe siècle. Mais son usage gastronomique a moins de trente ans. L’ail noir parfume tout ce qu’il touche d’un éclat balsamique doux et puissant. Ce condiment est le fruit d’une subtile alchimie de préparation, entourée de mythes et de secrets. Le résultat : des gousses à la chair anthracite, comme des bonbons de réglisse mous dans leur gangue de peau restée blanche. Débarrassées de l’allicine sulfurée (malodorante et piquante), elles développent des saveurs confites de pruneau et de raisin sec, jusqu’à des notes de champignon.

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Méfiez-vous des contrefaçons

La production artisanale, soutenue par plusieurs publications scientifiques, a connu un essor considérable depuis quinze ans sur fond de succès fulgurant dans l’univers de la restauration. La région d’Aomori, au nord, arrive en tête des huit préfectures japonaises où le ministère de l’Agriculture recense des producteurs : 1020 kilos sur un total de 6025 en 2015. Une association y a vu le jour en 2013. Elle a déposé en 2015 la marque collective Aomori Black Garlic, et initié la World Black Garlic Association, derrière celui qui fait figure de pionnier, Shinichi Kashiwawaki. Un début de protection pour un produit dont de nombreux imitateurs se sont emparés dans quantité de pays, avec plus ou moins de bonheur. « Tous les aulx ne permettent pas d’obtenir la même qualité: il faut des variétés à grosse tête, charnue, et une technique longue à maîtriser, que les Japonais gardent jalousement pour eux », explique Olivier Derenne, du site marchand Nishikidori. Le spécialiste de la gastronomie japonaise, qui a introduit l’ail noir dans l’Hexagone auprès de 140 chefs étoilés en 2008, confie n’avoir « jamais été autorisé à voir de près la fabrication ». En France, quelques aventuriers s’y essayent aussi. Avec de belles réussites pour Laurent Girard, qui utilise de l’ail rose de Billom, ou Fanny Boutarin, productrice d’ail blanc dans la Drôme, et créatrice de la société Ail Shake.

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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 250, 2018)

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