Une goutte, un nuage, un voile… Qui dit « lait » dit légèreté, pureté, évanescence et plénitude. Premier aliment de l’homme, vital pour le développement du nouveau-né, sa charge symbolique est extrêmement forte, dans quelque culture que ce soit. Le lait est douceur, tendresse, réconfort. On masse sa peau de laits de toilette onctueux. On s’attendrit devant une dent de lait, on boit du petit-lait à l’écoute de compliments… Lui, si familier aujourd’hui, a pourtant mis du temps à sortir de la ferme. Pendant longtemps, seuls les paysans pouvaient en boire quotidiennement, au « saut du pis ». Car à température ambiante, le lait, tel un voyou, tourne mal, et ne supporte pas les voyages. Faute de pouvoir rapprocher les villes des campagnes, on amena des vaches au cœur des cités, ce qui démocratisa l’usage du lait. La première « vacherie » fut implantée à Paris en 1832.

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Mais les difficultés de conservation du lait ne sont pas les seules raisons de son essor tardif. Jusqu’au début du XIXe siècle, l’ancien régime agricole opposait le développement sur une même terre de l’agriculture et de l’élevage. La croissance démographique était forte, la disette fréquente, il fallait du pain pour nourrir tout ce monde, et de la viande ! Pas question de laisser les vaches brouter des prairies ! Les terres étaient ensemencées de céréales et les vaches juste bonnes à tirer le soc pour le labour. Elles donnaient du lait, oui ! mais il ne se conservait pas, invendable donc, à moins de le transformer en crème, en beurre ou en fromage. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, avec l’essor industriel et l’apparition des machines à vapeur, les paysans commencèrent à regarder la vache d’un autre œil, et à se dire qu’elle pourrait bien être plus utile comme productrice de lait que comme laboureuse de champs ! D’autant que l’urbanisation entraînait une demande plus croissante. L’élevage laitier bénéficia d’avancées scientifiques décisives. Par le biais de la zootechnie, des races de vaches laitières performantes furent créées (prim’holstein montbéliarde, normande, abondance…). Des travaux de Pasteur découla la pasteurisation, fatale aux microbes. Les machines à vapeur rivalisèrent d’énergie pour centrifuger, baratter, malaxer, homogénéiser, stériliser, réfrigérer, déshydrater… Les techniques de conservation n’ont cessé depuis de se perfectionner pour offrir un lait de haute qualité. Aujourd’hui, on ne trouve pas moins d’une quinzaine de laits différents, éparpillés dans les linéaires du supermarché.

Les différentes variétés de laits

Au rayon frais

  • Le lait cru se reconnaît à son bouchon jaune. Aussitôt après la traite, il a été réfrigéré à 4°C, puis conditionné sur place. C’est le plus onctueux et le plus aromatique des laits. Porté à ébullition 5 à 8 min avant consommation, il doit être utilisé dans les 72 h suivant la traite.
  • Le lait frais pasteurisé a été chauffé pendant une vingtaine de secondes entre 72 et 85°C, puis immédiatement refroidi. Cette pasteurisation préserve ses qualités gustatives, proches de celles du lait cru. Il doit être bu dans les 7 jours qui suivent son conditionnement.
  • Le lait microfiltré commence juste à s’implanter sur le marché français. Il est filtré à travers des membranes extrêmement fines qui retiennent 99,9 % des bactéries indésirables. Cette technique remplace la pasteurisation et la stérilisation. Il a une saveur proche du lait cru, les vitamines sont préservées et sa durée de conservation au froid deux fois plus longue que celle du lait pasteurisé.

Au rayon longue conservation

  • Le lait stérilisé a été versé dans une bouteille hermétiquement close, porté à une température de 115°C pendant 15 à 20 min, puis rapidement refroidi. Ce traitement lui confère un léger goût caractéristique de cuit ou de caramel. Il se conserve à température ambiante pendant 150 jours.
  • Le lait stérilisé UHT est le plus répandu. Le procédé d’ultra-haute température permet d’écourter le temps de chauffage afin de préserver la saveur. Il est chauffé quelques secondes à 140-150°C, puis conditionné en briques dans une chambre stérile. Il se conserve 90 jours à température ambiante.
  • Les laits « à teneur garantie en vitamines » : qu’en est-il ? Les traitements thermiques (pasteurisation et stérilisation) altèrent certaines vitamines (B6, B12, B9 et C). C’est pourquoi des marques restaurent la teneur vitaminique du lait pour rétablir sa richesse originelle.
  • Les laits supplémentés ou enrichis en vitamines A, E, PP, B, D, en calcium, en zinc, en magnésium, en fer, en oméga 3, en oligo-éléments et en fibres répondent aux besoins nutritionnels spécifiques des personnes âgées, des enfants, des femmes enceintes…

Au rayon frais et longue conservation

Le lait biologique se reconnaît à son logo AB vert et blanc. Il se décline en lait entier ou demi-écrémé, pasteurisé (rayon froid) ou stérilisé (hors froid). Il est issu de vaches élevées selon les règles de l’agriculture bio, collecté et traité dans un circuit à part.

Pour faire du lait…

…Une vache doit d’abord faire un veau. Après le vêlage, la lactation dure dix mois. Placez votre vache dans une prairie pâturée de graminées et de légumineuses. Laissezla brouter 8 heures par jour, entrecoupées de pauses de rumination. Abreuvez-la copieusement. Attendez que la salade broutée chemine à travers les quatre compartiments de son estomac, puis trayez-la. Vous remplirez de lait mousseux un seau d’environ 30 litres.

Et à part le lait de vache ?

Bien d’autres mammifères femelles fournissent aux humains leur dose de calcium. En tête vient la bufflonne (dont le lait sert essentiellement à la confection de la mozzarella), suivie de la chèvre et de la brebis. Le lait de chèvre ne contient pas de bêta-carotène, ce qui explique la blancheur caractéristique des fromages de chèvre. Le lait de brebis contient deux fois plus de matière grasse que le lait de vache. Les laits d’ânesse et de jument sont ceux qui en contiennent le moins, alors que celui de dame phoque en affiche un taux record. D’une manière générale, le lait des mammifères marins est bien plus riche en graisses et nutriments que celui des mammifères terrestres. Le lait d’ânesse est considéré comme le plus proche de celui de la femme. Il était utilisé jusqu’au début du XXe siècle comme substitut au lait maternel et… comme cosmétique. Souvenez-vous de Cléopâtre…

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Encore des laits !

  • Les laits aromatisés, cousins fantaisie, sont des laits stérilisés, écrémés ou non, sucrés ou non, additionnés de substances aromatiques naturelles.
  • Le lait concentré non sucré a une coloration plus foncée que le lait ordinaire et un arôme de caramel. C’est un lait dont environ 60 % de l’eau a été évaporée sous vide. Il a ensuite été stérilisé.
  • Le lait concentré sucré n’a pas subi de stérilisation. Inutile car le sucre empêche les bactéries de se multiplier. C’est à la base du lait entier pasteurisé dont on a réduit la teneur en eau jusqu’à obtenir environ la moitié du volume de départ. On ajoute ensuite du sucre (40 à 45 % du produit fini).
  • Le lait en poudre a perdu la quasi-totalité de son eau (environ 96 %) pour ne conserver que son extrait sec.
  • Le lait fermenté (ou babeurre) est un lait maigre (1 à 3 % de matière grasse), ensemencé avec des bactéries et soumis à une lente maturation. On l’appelle lait ribot en Bretagne, labné ou iben en Afrique du Nord, kéfir au Caucase… Au goût, on dirait un yaourt liquide et légèrement acidulé.
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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 163, 2008)

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