Citron caviar : comment déguster le finger lime ?
Le citron caviar, ce fruit d’Océanie que l’on appelle aussi « citron perle », bien connu des Aborigènes, fait aujourd’hui sensation en Occident.
Des origines australiennes
C’est un produit de niche, confidentiel et convoité : un citron pas comme les autres, vraiment étrange, qui s’arrache à prix d’or. Les grands restaurants et les bars à cocktails s’en procurent au prix de 70 euros la petite barquette. Pourquoi un tel coût ? Est-ce en raison de sa rareté, de sa saveur ou de sa lointaine provenance ? Pour le savoir, nous nous sommes envolés pour l’Australie, direction Byron Bay, la ville la plus à l’est du continent. Si somptueuse soit la baie de Davidson, il faut s’éloigner du littoral et s’aventurer dans les terres. La campagne est vallonnée, verdoyante, bien loin de la représentation que l’on se fait du bush australien, plat et aride. On pourrait presque se croire dans le Massif central.
La culture du citron caviar
Nous parvenons à la ferme de Sheryl Rennie alors que les brumes matinales ne se sont pas complètement dissipées. Une arrivée féerique et un accueil typiquement australien : Sheryl nous a tout de suite mis à l’aise, familière comme si l’on se connaissait depuis toujours.
Cette femme au caractère bien trempé gère seule son exploitation, cultivant divers produits du bush : citron caviar, prune Davidson et baies roses (ryberrie).
Elle nous entraîne à sa suite dans la plantation, aussi exubérante que sa propriétaire : les arbres semblent y pousser selon leur fantaisie, petits et grands mélangés, toutes espèces confondues. Les plus hauts portent des baies roses et des prunes.
Ces arbustes qui dégagent une puissante odeur, c’est de la myrte, avec laquelle Sheryl fait du sirop. Et ces buissons hirsutes et gringalets, ce sont nos fameux Microcitrus australasica. Nous y voilà ! Il ne paye pas de mine cet arbuste, avec ses branches frêles couvertes de minuscules épines. Il a d’ailleurs bien failli disparaître sous la pioche des colons britanniques à la fin du XVIIIe siècle. Ceux-ci ont défriché la forêt où le citrus prospérait pour installer leurs cultures et leurs troupeaux.
Mais l’agrume a de la ressource : il a résisté et prend aujourd’hui une belle revanche. Il produit des capsules oblongues longues de 7 à 12 cm. Leur forme s’apparente à un cornichon ou à un doigt potelé, d’où son surnom de finger lime ou « lime digitée d’Australie ». Sa peau, rugueuse comme celle d’un avocat, peut être brune, pourpre, jaune, orange, rouge, noire ou verte, selon les variétés. « Il faut le récolter quand sa peau s’est uniformément colorée mais avant qu’il ne devienne mou, explique Sheryl. Et à la main forcément, car le fruit est fragile. »
Un jus acide et épicé
Nous brûlons de goûter à ces spécimens que Sheryl tient dans sa paume. Allons dans sa cuisine voir ce qu’ils ont dans le ventre. Car la véritable originalité de ce citrus réside dans la structure de sa pulpe : une explosion de billes nacrées, vertes ou rosées, jaunes ou beiges.
Ces étonnantes vésicules roulent sur la langue avant d’éclater, libérant un jus acide. Les palais les plus aiguisés ajoutent que l’on perçoit en premier goût une note épicée, vite supplantée par l’acidité. Les citrons caviar à chair verte sont franchement citronnés tandis que ceux à chair rose évoquent plutôt le pamplemousse.
Un condiment d’élite
Il va sans dire que l’on ne fait pas de la marmelade avec du citron caviar. Il faut appréhender cet agrume comme un condiment. Quelques billes suffisent à ébouriffer un plat tant salé que sucré. La saveur citronnée se mariant bien avec l’iodé, on peut tenter un mariage avec l’huître ou le poisson.
Quelques grains flottant à la surface d’un cocktail produisent un effet bluffant. Sheryl, elle, l’utilise de manière très simple, parsemé sur une salade, avec des herbes fraîches et des baies du jardin. Parfois, elle ajoute le zeste râpé car la peau, fine et très parfumée, dégage des notes de citronnelle et de mélisse.
L’Australie compte une dizaine de gros producteurs de finger lime et plusieurs autres moyens ou petits, dont Sheryl fait partie. Ensemble, ils produisent environ vingt tonnes par an mais cela ne suffit pas à répondre à la demande, en hausse croissante. D’autres pays s’y sont mis ; le citron caviar pousse désormais en Californie, en Israël, en Espagne et même dans le sud de la France mais aux dires des spécialistes, leur qualité n’égale pas celle des agrumes produits dans les régions australiennes du Queensland et du New South Wales, au climat subtropical. N’est pas caviar qui veut…