Qu’est-ce qu’un fruit exotique ? La définition officielle évoque « un végétal qui ne pousse pas spontanément sous les climats des pays occidentaux ». Il vient donc forcément de loin, par cargo, par charter ou à dos de chameau, qu’importe. Fait curieux : ce fruit devient exotique en franchissant la douane. Dans son pays d’origine, il ne l’est pour personne. Tropical à la rigueur mais exotique point. Ce terme désigne quelque chose d’étranger, de déstabilisant, de pas courant. Un truc qui intrigue et attire tout à la fois. Déguster un fruit exotique équivaut à faire preuve d’audace et d’ouverture. Croquer une terre inconnue en quelque sorte, à défaut d’y poser le pied, mais une terre idéalisée – paysage tropical ou subtropical baigné de chaleur. L’une des caractéristiques communes aux fruits exotiques est de ne pas supporter le froid. Les principaux pays exportateurs se trouvent en Extrême-Orient, en Amérique Latine, dans les Caraïbes et en Afrique.

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Un fruit exotique consommé sous nos contrées a donc forcément des heures de vol ou des jours de navigation au compteur. Une autre donnée d’ordre sociologique conditionne notre perception des fruits exotiques. Ceux qui, aux yeux de nos grands-parents, passaient pour exotiques (ananas, banane, mangue, noix de coco) sont devenus familiers, présents dans les yaourts et les jus de fruits au même titre que la fraise et la pomme. Le temps et l’usage ont fini par gommer leur caractère d’étrangeté, faisant presque oublier leur provenance lointaine. Heureusement, il reste encore d’autres fruits exotiques pour dérouter nos papilles !

Quelques trucs pour apprivoiser les fruits exotiques

Certains, comme le fruit de la passion, la grenade, le kumquat et le litchi, commencent à être apprivoisés et progressivement intégrés dans le paysage alimentaire. D’autres ont construit leur popularité sur leur belle gueule. C’est le cas de la carambole et du fruit du dragon, très décoratifs mais assez fades. La dernière catégorie regroupe des fruits encore méconnus, comme les anones, le ramboutan, le jaque ou le mangoustan. Pour les dénicher, il faut s’aventurer dans les supermarchés asiatiques en demandant sur place, au besoin, comment choisir et préparer tel et tel. Nombreux sont les fruits exotiques qui se consomment très mûrs voire blets. Pour accélérer leur mûrissement, enfermez-les dans un sac en papier en compagnie d’un avocat ou d’une banane. Mieux vaut en règle générale qu’un fruit soit trop mûr que pas assez. Si vous tombez sur un mauvais fruit, accordez à son espèce une seconde chance avant de décréter que jamais plus vous n’y toucherez.

Un réflexe chauvin a poussé les Occidentaux à donner aux fruits exotiques des surnoms qui suggèrent des comparaisons en matière de forme, de texture ou de goût. On parle de cerise de Chine (litchi), de poire japonaise (nashi), de pêche des tropiques (mangue), de groseille du Cap (physalis), de coing de Chine (kaki), de datte de l’Inde (tamarin), de melon des tropiques (papaye)… Ces qualificatifs ont peu d’utilité pratique. Ils ne nous disent pas si la peau se mange ou non, ni si une cuisson est envisageable. Autant d’informations précieuses que vous trouverez dans les portraits qui suivent.

Le mangoustan

Derrière son épaisse écorce bordeaux à consistance de liège se niche une succulente pulpe blanche qui a valu au mangoustan le titre de « fruit des dieux ». Il est tout à la fois sucré, juteux et rafraîchissant. Son goût se rapproche du litchi et sa texture veloutée rappelle celle de la mangue. L’écorce doit céder légèrement sous les doigts. Oubliez les fruits durs comme du bois. Prenez-le entre vos mains et pressezle fermement au niveau de l’équateur puis écartez les deux hémisphères. Dans l’écrin de la membrane violine non comestible apparaîtra la chair d’un blanc perlé. La pulpe se divise en plusieurs loges (5 à 7, en général) qui se détachent comme des quartiers. À l’intérieur vous attendent 2 ou 3 amandes qu`il vaut mieux recracher car elles sont un peu amères.

Mangoustan
Photo : Martin Balme

Issu des amours d’un cactus et d’une chauve-souris chargée de pollen fertilisant, le fruit du dragon s’épanouit à l’issue d’une floraison nocturne au parfum de vanille. Il doit son nom à sa peau couverte d’écailles souples. Coup de théâtre en son cœur : sa chair est blanche, translucide et piquetée de petites graines noires. Sa saveur douce et sucrée est proche de celle du kiwi. Le fondant de la pulpe contraste avec le croustillant des pépins qui éclatent sous la dent. Connu aussi sous le nom de « pitaya », il se déguste nature.

Fruit du dragon
Photo : Martin Balme

Selon son degré de maturité, la papaye se consomme comme un légume ou un fruit. Verte, elle se râpe dans les salades ou se cuisine comme une courge, dont elle a le goût. Bien mûre, elle devient un fruit. Sa chair tendre, juteuse et fondante évoque le melon et la pêche. Elle passe du vert au jaune orangé en vieillissant et sa peau s’assouplit. Deux valeurs sûres : la variété colombo, à pulpe rouge et sucrée, et la solo, dont la douceur rappelle l’abricot mûr.

Papaye
Photo : Martin Balme

Son surnom de « litchi chevelu » lui sied à merveille. Son écorce carmin est hérissée de pointes crochues vert tendre, douces au toucher. Sa pulpe juteuse, sucrée, douce et parfumée rappelle le litchi, avec un petit goût de raisin (dont le ramboutan a un peu la consistance). Jetez votre dévolu sur des fruits à peau rouge clair. Avec un couteau, incisez la coque et pelez-la pour découvrir la pulpe blanche translucide, que vous croquerez en recrachant l’amande centrale.

Ramboutan
Photo : Martin Balme

Le jaque peut peser jusqu’à 20 kg. Mais seul un tiers de ce pachyderme est comestible: sa pulpe et ses graines jaunes d’or. Ne vous laissez pas rebuter par son odeur forte et musquée, assez désagréable. Ce cousin du fruit à pain a la particularité de pouvoir être consommé indifféremment comme légume (avant maturité) ou comme fruit (quand il est bien mûr), cru, cuit, nature, râpé ou en morceaux. Le jaque vert s’emploie comme légume ; un jaque jaune tacheté de noir (gage de maturité) se consomme comme un fruit. Les enveloppes jaunes des graines sont sucrées et croquantes, avec un goût entre la pêche, l’ananas et la reine-claude. Le noyau dur qu’elles contiennent se fait bouillir et cuire comme une châtaigne (dont il a un peu la saveur), ou s’ajoute en tant que légume dans un curry (son goût évoque alors celui de la pomme de terre).

Fruit du jacquier
Photo : Martin Balme

Sur la liane grimpante de la passiflore s’accroche un fruit semblable à un œuf ridé, violet ou orangé. Selon les variétés, on le nomme « maracuja », « grenadille », « pomme goyave » ou « fruit de la passion ». Son épicarpe cireux contient une pulpe jaune orangée mucilagineuse, truffée de graines noires comestibles. Sa chair gélatineuse a une saveur à la fois sucrée et acidulée. Additionnée de sucre, elle se décline en jus, coulis, punchs, confitures, sorbets et pâtisseries, mais elle ne supporte pas la cuisson. Un fruit de la passion se consomme fripé. Une peau lisse se ridera au bout d’une semaine à température ambiante. Il se gobe nature, à la petite cuillère, en détachant la pulpe gélatineuse des drôles de picots blancs qui l’attachent à la peau, en le sucrant éventuellement.

Fruit de la passion
Photo : Martin Balme

Le durian est sans contexte le plus étrange des fruits exotiques, surtout en raison des passions qu’il déchaîne. Les Asiatiques en sont fous tandis que les Occidentaux semblent unanimement rebutés par son odeur très « particulière ». Le romancier Anthony Burges affirme que manger du durian équivaut à « savourer aux toilettes un bavarois à la framboise ». Son goût et sa texture oscillent entre la mangue très mûre et la banane écrasée. À vous de vous forger votre propre opinion…

Durian
Photo : Martin Balme

Sa peau est hérissée de cinq ailerons saillants. Coupée en tranches, la carambole se transforme en étoiles. Son usage est essentiellement décoratif. Ce fruit est l’un des plus graphiques qui soit, ne lui demandez donc pas, en plus, d’être succulent! Il se contente d’être rafraîchissant. Sa chair est croquante, juteuse et acidulée. Sa saveur évoque celle de la groseille à maquereau. Sa fine peau est comestible, contentez-vous donc de la laver et d’ôter le tranchant de chaque arête (amer).

Carambole
Photo : Martin Balme

Une goyave peut tout aussi bien ressembler à un avocat qu’à une pomme rouge. On en recense près de 150 variétés. La chair saumonée, jaune pâle ou blanche est truffée de petites graines dures. Elle diffuse un parfum prononcé entre le musc et le gazon fraîchement tondu. Douceâtre et acidulée, elle présente une texture à la fois fondante et croquante selon que l’on s’approche ou non des pépins. Recherchez la variété « poire des Indes », la plus appréciée.

Goyave
Photo : Martin Balme

Les anones, à la peau verte couverte d’écailles, ont, selon la variété, des formes et des noms différents. Le corossol est le plus gros des anones (il peut peser jusqu’à 4 kg). Son écorce est hérissée de courtes pointes souples et crochues. La chérimole ressemble à un artichaut en forme de cœur. La pomme-cannelle a l’allure d’une pomme de pin aux alvéoles vert tendre. Leur chair blanche, parfumée, crémeuse, douce et sucrée fond littéralement en bouche. On croit avaler de la crème fraîche aux fruits exotiques. La pulpe grumeleuse renferme des pépins noirs et brillants. La peau des anones, bizarrement, s’éclaircit en mûrissant, passant du vert sombre au jaune. Coupez une anone en deux et recueillez sa pulpe à la cuillère ou pressez-la pour séparer la chair des écailles. Elle se délite sous les doigts, obligeant à enfourner de gros morceaux que l’on garde longtemps en bouche afin de trier les pépins.

Anone
Photo : Martin Balme
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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 206, 2013)

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