Rarement un produit a provoqué autant de fantasmes, de mythes, de fascination, d’études, d’analyses. Il y a 12 000 ans déjà, en Espagne, près de Valencia, des hommes s’adonnaient à la peinture rupestre représentant des chasseurs de miel. Chasseurs oui, car avant de faire l’objet d’une culture, le miel a été récolté par les hommes dans les ruches sauvages, et l’affaire n’est pas sans risque tant les abeilles défendent leur butin. Aujourd’hui encore, de nombreuses populations partent en quête de ce nectar si doux. Un produit parfait, délicieux, livré fini par les abeilles. Après la chasse vient le temps de l’apiculture, mais une culture bien restreinte. L’homme ne fait que construire des ruches et se contente ensuite d’en récolter le miel. Les abeilles s’occupent du reste. Car le miel est un produit 100 % naturel. C’est même une des rares nourritures humaines non transformées par la préparation, la cuisson… Mais il existe aujourd’hui des déviances. Les Chinois, premiers producteurs au monde, fabriquent des miels industriels. Question de temps et donc d’argent. Les abeilles ne vont pas assez vite. Ils ajoutent ainsi du sirop de sucre et recourent à d’autres manipulations considérées comme frauduleuses en France. Outre le fait que ces produits sont de piètre qualité gustative, cela questionne l’identité du miel qui existe depuis la nuit des temps et n’est en rien une fabrication humaine. Mais le plus grand danger est ailleurs: c’est sur les butineuses que pèse le risque le plus grave.

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Les abeilles dans un vrai guêpier

Les ruches ont toujours affiché un taux de mortalité moyen autour de 5 % mais, depuis près d’une décennie, on est passé à plus de 30 % voire 50 % dans les cas extrêmes. Les scientifiques étudient toutes les possibilités : les parasites, les champignons, le frelon asiatique (un prédateur des abeilles), mais aussi et surtout les pesticides et en particulier les néonicotinoïdes qui provoquent des troubles neurologiques chez les abeilles et les empêchent de retourner à la ruche. En outre, les abeilles meurent de faim à cause de la raréfaction des fleurs due au changement climatique et surtout à l’appauvrissement de la biodiversité. Du Bassin parisien jusqu’au Danemark, 80 % des espèces sauvages ont disparu. On est dans une situation de monoculture industrielle: du colza au printemps puis du tournesol et basta. En vingt ans la production française est passée de 40000 tonnes à 16000 tonnes.

L’heure est grave car un monde sans abeille ce n’est pas uniquement un monde sans miel. En Europe, ce sont 84 % des espèces cultivées qui sont dépendantes de l’activité pollinisatrice des insectes. Sans les abeilles, notre alimentation serait bien pauvre.

La ville, terre de salut ?

Paradoxalement, la ville est porteuse d’espoir en matière d’apiculture de qualité. Jean Paucton a installé ses ruches il y a une vingtaine d’années sur les toits de l’opéra de Paris. Gros succès et, forcément, d’autres initiatives ont suivi. Audric de Campeau s’est ainsi lancé dans l’aventure en 2009 et produit le miel de Paris sur les toits du musée d’Orsay et des boutiques de la place Vendôme… En région, à Montpellier, Nantes, Lille, etc., le « miel béton » s’est également développé. Les ruches des villes produisent jusqu’à quatre fois plus que celles des champs. Un miel plus pur également. Depuis 2005, plus aucun pesticide n’est utilisé dans la capitale. Si les miels parisiens sont forcément toutes fleurs, il existe en bouche des différences en fonction des quartiers. Le Palais-Royal possède 400 tilleuls. On trouve ailleurs des marronniers (16 % des arbres), des sophoras (10 %), autrement appelés « arbres à miel », plantés il y a des années par des jardiniers visionnaires qui ont eu à cœur de préserver la biodiversité urbaine. Dans certaines villes européennes comme à Berlin, les apiculteurs de la campagne transhument en ville avec leurs ruches au moment de la floraison des tilleuls. La ville serait-elle l’avenir de la nature et donc du miel ? Le monde à l’envers. À travers la question du respect des abeilles – qui sont parmi les premières à tomber malades quand l’environnement va mal – et de la production de miel, c’est celle de la place de la nature dans nos sociétés de demain que nous posons.

Quels miels trouve-t-on en rayon ?

En matière de miel, la notion de produit biologique n’a pas beaucoup de sens. On ne peut pas contrôler les abeilles et savoir où elles vont butiner. Plus un miel est récolté dans une nature sauvage, mieux c’est. Après analyse, on retrouve parfois des traces de pesticides dans des miels biologiques. On sait en effet que les produits phytosanitaires n’ont pas de frontières et peuvent se retrouver bien au-delà des zones où ils ont été épandus. Les miels français sont de très bonne qualité et il y a peu de fraudes.

À lire aussi
  • Autrefois, le Gâtinais était réputé pour la production de son miel de sainfoin, très clair.
  • Aujourd’hui, c’est le miel de Provence qui a la cote. Il est plus épais, pâle, au parfum de lavande. On trouve également dans cette région du miel de thym, plus foncé, ou du miel de romarin.
  • Dans les Landes, le miel de bruyère est brun, avec un goût très corsé.
  • En Bretagne, on produit du miel de sarrasin de couleur très sombre.
  • Dans les montagnes, on trouve du miel de sapin qui est en fait produit à partir de miellat, fabriqué par les pucerons vivant dans ces arbres et butiné par les abeilles. Il existe du miellat de chêne, de sureau, de tilleul…

Quelle est la durée de conservation du miel ?

Le miel vieillit mal, il ne faut donc pas attendre des années pour le consommer. On le dégustera donc dans la fleur de l'âge. Lorsqu’on chauffe le miel à plus de 40 °C (température de la ruche), il perd ses propriétés nutritives. Tous les miels cristallisent. C’est un phénomène naturel. Certains cristallisent plus vite que d’autres. Le froid accélère ce phénomène. Par ailleurs, le miel contient deux sucres principaux, le glucose et le fructose. C’est le rapport entre les deux qui implique la cristallisation plus ou moins rapide. Lorsqu’il y a plus de fructose que de glucose, comme dans le miel d’acacia, le miel cristallise moins vite. Et inversement, comme dans le miel de bruyère qui contient plus de glucose et donc cristallise plus vite.

Ces autres produits bons pour la santé issus de la ruche

D’autres produits de la ruche sont utilisés. Certains sont très courants, d’autres excellents pour la santé :

  • La cire est sécrétée naturellement par les butineuses. Elle est utilisée pour fabriquer les alvéoles qui stockent le miel. On fabrique des bougies en cire. Cette dernière permet également d’entretenir les meubles en bois.
  • La propolis est une substance utilisée par les abeilles pour consolider la ruche. Elle a des vertus antimicrobiennes notamment. On dit également qu’elle soigne les maux de gorge.
  • La gelée royale est produite par les ouvrières avec leurs glandes pour nourrir les larves et la reine. Elle aide notamment à lutter contre la fatigue.
  • Le pollen est recueilli par les abeilles lorsqu’elles butinent. Il est vendu sous forme de petites boulettes pour renforcer le système immunitaire.
  • Le venin des abeilles est reconnu pour calmer les douleurs d’arthrite.
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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 231, 2016)

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