Vous êtes-vous déjà arrêté devant le stand des sauces soja dans un supermarché ? Il y a des sauces brunes, plus claires, allégées, plus ou moins salées, parfois sucrées. Il y a des sauces chinoises ou japonaises, parfois même coréennes, indonésiennes. Comment choisir ? Quelles sauces utiliser pour quel plat ? Face à ce casse-tête chinois – sans jeu de mots –, nous avons décidé de prendre le problème à bras-le-corps. Voici donc quelques explications pour acheter et cuisiner avisé.

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Une sauce millénaire

La sauce soja, d’origine chinoise et vieille de plus de 2 500 ans, s’est répandue dans d’autres pays d’Asie, notamment au Japon dès le VIIe siècle, avec l’introduction du bouddhisme et ses recommandations en matière de cuisine végétarienne. La sauce soja, élaborée uniquement avec du soja, de l’eau et du sel, a ainsi remplacé les sauces fermentées à base de viande ou de poisson. Les sauces soja japonaises (appelées shoyu) se distinguent des sauces soja chinoises (jiàngyóu) ou coréennes (gang jang) par l’apport de blé. Cette sauce est également beaucoup consommée en Indonésie (kecap) ; il en existe deux sortes : la sauce soja salée type chinoise mais plus épaisse (kecap asin) et la sauce soja sucrée (kecap manis), dont la consistance est sirupeuse car on y ajoute du sucre de palme.

S’il existe des sauces soja dans de nombreux pays d’Asie, c’est au Japon qu’elle est devenue un véritable art culinaire. Il existerait entre 1000 et 1500 producteurs. Certaines fabriques, qui ont été fondées il y a plus de 100 ans, pratiquent encore des méthodes ancestrales. Dans ces maisons, le nectar obtenu après plusieurs années de fermentation est filtré à la main à travers un tissu. Plus la fermentation est longue, meilleure est la sauce soja. Les fabricants traditionnels ont coutume de dire qu’il faut un an pour le goût, deux ans pour les arômes et trois ans pour la couleur.

Étant donné l’omniprésence de la sauce soja dans la cuisine asiatique, et ailleurs dans le monde, on imagine bien que des sauces industrielles sont apparues sur le marché. De même qu’il existe de bons et de mauvais vinaigres balsamiques, il existe de bonnes et de mauvaises sauces soja. Pour les choisir, d’une manière générale, il vous faut prêter attention à trois critères : la durée de fermentation, le type de fermentation (naturelle ou chimique) et le nombre d’additifs présents dans la sauce. Pour raccourcir la durée de fermentation, les industriels ajoutent des colorants et des caramels qui apportent une couleur soutenue à la sauce mais pas son goût subtil. Idéalement, la sauce soja ne doit pas comporter d’additifs.

L’art de la fermentation

En Chine, la sauce soja traditionnelle est fabriquée avec des haricots de soja, qui sont préalablement ébouillantés afin d’être attendris. Ils sont ensuite placés dans des jarres, souvent en terre cuite. Le soja est laissé à fermenter pendant une semaine à une température contrôlée. Tout comme nos maîtres de chai, il existe des maîtres pour la sauce soja, qui contrôlent nuit et jour l’avancement de la fermentation. Les jarres sont ensuite mises à l’extérieur et laissées au soleil pendant plusieurs mois. De l’eau salée est mélangée au contenu des jarres, qui restent encore au repos pendant plusieurs mois au soleil. Le jus contenu dans les jarres est ensuite recueilli. Cette sauce soja est qualifiée de « premium ». À ce stade, de l’eau salée peut encore être ajoutée, à la suite de quoi on observe un nouveau repos de quelques mois. Le liquide alors récupéré est également de la sauce soja, mais elle est moins concentrée que la première. La vraie sauce soja est donc un produit 100 % naturel.

Les sauces soja japonaises

Le Japon est passé maître dans l’art de la sauce soja. On parle même de sommeliers pour la dégustation de ce produit. Certaines boutiques à Tokyo proposent plusieurs centaines de sauces soja différentes. Voici un aperçu des différentes catégories de sauces soja nippones (les deux premières étant les plus utilisées) :
  • Koikuchi: elle est composée pour une moitié de graines de soja, et pour l’autre de blé. Elle est de couleur brune à rouge et développe de puissants arômes.
  • Tamari: elle ne contient pas ou peu de blé mais beaucoup de soja. Elle est donc proche de la sauce soja chinoise. Elle a une faible teneur en gluten, voire n’en contient pas du tout.
  • Usukuchi: son goût est plus salé et sa couleur plus claire que la sauce koikuchi. Son temps de fermentation est plus court, et on y ajoute du riz fermenté.
  • Shiro: elle contient essentiellement du blé et un peu de soja. Elle est donc plus sucrée que les autres sauces soja. Sa couleur est très claire.
  • Shikomi: elle a subi une double fermentation. Elle possède ainsi un goût plus prononcé, et sa texture est épaisse. 

Et dans la cuisine française ?

La sauce soja peut à la fois remplacer le sel mais aussi servir de marinade pour les poissons et les viandes. C’est une sauce qui peut également apporter une saveur très agréable aux salades. Le mélange sauce soja-agrumes (zeste et jus de citron ou d’orange) est délicieux pour réaliser une sauce à laquelle on peut ajouter de l’huile d’olive. Elle fait merveille dans une salade composée, sur des poissons grillés ou des légumes juste passés au four.

Les sauces soja revisitées

Pour répondre aux attentes des consommateurs, les marques proposent désormais des sauces allégées en sel, ou sans gluten pour les sauces japonaises (qui contiennent du blé). On trouve aussi des sauces soja parfumées, comme le ponzu, qui est une sauce soja additionnée de dashi (un bouillon réalisé avec de l’algue kombu) et un agrume, le yuzu. Là encore, on trouve des sauces ponzu industrielles ou artisanales. Les très bonnes sauces ponzu développent une note de fraîcheur très appréciable avec les poissons.

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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 268, 2020)

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