Gaëtan Evrard : la Touraine, évidemment

Quand d’autres chefs quittent leur région pour aller glaner leurs lauriers ailleurs, Gaëtan Evrard, lui, est trop attaché à la sienne pour l’abandonner. Après une formation de charcutier et de traiteur, il prend un virage résolu vers le monde de la restauration gastronomique. Il écrit le premier chapitre de son restaurant L’Évidence, à Tours, où il officie pendant six ans, avant de poursuivre cette belle histoire à Montbazon, charmeuse bourgade située à quelques kilomètres au sud de la capitale tourangelle, dominée par une forteresse spectaculaire, dont un donjon érigé à la fin du Xe siècle. Là, en 2017, il installe sa table dans les murs d’une vieille bâtisse dont la partie la plus ancienne date du XVe siècle. Les lieux sont déjà connus de la chronique culinaire puisque le célèbre Guide rouge a par le passé accroché deux étoiles à la façade de la maison. Un joli présage pour Gaëtan Evrard, qui en obtint une en 2019, et continue de la faire briller depuis. Un des atouts de la table de Gaëtan Evrard ? Sa mise en scène librement inspirée de l’Art déco. Une raison de plus de se rendre en Indre-et-Loire, à Montbazon.

Des produits amoureusement choisis

L’entrée ouvre sur deux salles au décor cossu, esprit Art déco dominé par le bois, vaisselle créée par des artistes et des artisans. Séduisant. En cuisine, la brigade œuvre en musique pour donner vie aux plats de trois menus intitulés Inspiration, Élégance et Signature. L’attachement du chef à sa région, cette superbe Touraine, trouve naturellement un prolongement dans le choix de ses matières premières. De ses balades les jours de congés, il rapporte régulièrement plantes et herbes d’une cueillette sauvage. Le bonhomme, qui possède ses propres ruches, célèbre aussi son terroir grâce à sa complicité avec de nombreux producteurs locaux. Plutôt timide au départ, il s’anime franchement à leur évocation. Inépuisable source d’inspiration ! Un maraîcher lui fournit de superbes légumes en permaculture, un éleveur lui livre les fameux volatiles de Racan, pigeonneau, géline et poulette, un autre la délicieuse viande de cochons de race mangalica. On pourrait aussi évoquer le safran cultivé à quelques encablures du restaurant, le lait riche et ultra-savoureux de vaches jersiaises, ou encore le cresson de Courçay, qui apporte sa vivacité végétale à un plat également composé d’escargots, de légumes-racines, de poitrine de cochon et d’ail noir.

Pour Gaëtan Evrard, il n’existe pas de produits nobles et roturiers. Ses assiettes racontent toutes une histoire singulière, portée par des jeux de contrastes ou des connivences entre différents produits. Le chef n’hésite pas à s’aventurer sur des terrains originaux, comme avec un tartare de bœuf, langoustine, consommé infusé à la citronnelle et immortelle.

Quand il s’échappe de ses cuisines, ce n’est pas uniquement pour aller se promener dans la campagne ou sur les délicieuses rives de l’Indre, qui arrose cette belle cité de Montbazon. À quelques pas de son restaurant, il aime descendre une volée de marches cabossées qui mènent à une cave creusée dans le tuffeau, le lumineux calcaire de la région. Dans ce refuge souterrain à la température et à l’hygrométrie idéales pour la conservation des vins, sommeillent les flacons d’une carte riche de 700 références. Si les canons ligériens en tiennent la vedette, avec par exemple les cuvées de Vincent Carême, sur l’appellation Vouvray, ou du Domaine de Veilloux, du côté de Cheverny, Gaëtan ne s’interdit pas, bien au contraire, d’explorer les autres grands vignobles de l’Hexagone, comme la Provence avec le Domaine de Trévallon, la vallée du Rhône avec les vins du Domaine Graillot, ou le Beaujolais avec les morgons de Jean Foillard. Des valeurs sûres en bouteilles de 75 cl, mais aussi en plus grand format, magnums, jéroboams et même mathusalems. Il faut se rendre à L’Évidence, avec un grand E.

L’Évidence, 37250 Montbazon. Menus Instinct à 39 € le midi en semaine, Inspiration à 69 €, Élégance à 89 € et Signature à 135 €. Ouvert mardi, jeudi, vendredi et samedi.