Véritable madeleine de Proust pour certains, le Carré Frais a ses inconditionnels. Ceux-ci ont bien essayé de se convertir à d’autres fromages du même acabit, conditionnés en barquette ou ornés d’une tête de vache. En vain. Trop gras ou trop compacts à leur goût, les concurrents n’ont pas la texture mousseuse et crémeuse du Carré Frais, ni la rémanence de son goût légèrement salé.

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Petit frère du petit-suisse

Ce fromage frais est né en Normandie, dans le pays de Bray. Charles Gervais, mandataire des Halles de Paris, prospecta dans le secteur en 1850 dans le but de trouver des fromages pour alimenter le marché parisien. Il rencontra Mme Héroult, fermière de son état, qui lui livra la recette du petit-suisse. Elle-même la tenait de son commis vacher, originaire du canton de Vaud. Charles Gervais flaira la bonne affaire: comme la production artisanale ne suffisait pas à alimenter le marché de la capitale, il s’associa à la mère Héroult et créa une fromagerie industrielle à son nom, en 1852, à Ferrières-en-Bray. Là naquit en 1872 un second produit dont la popularité égala vite celle du petit-suisse : le Carré Gervais. Businessman accompli, Gervais comprit l’intérêt qu’il avait à livrer ses fromages dans un état de fraîcheur impeccable. Il mit en place des navettes spéciales entre Ferrières et Beauvais, soit des voitures tirées par quatre chevaux. Les fromages empruntaient ensuite la ligne de chemin de fer Beauvais-Paris nouvellement inaugurée. À la gare Saint-Lazare, ils étaient chargés sur des calèches qui assuraient la livraison des points de vente de la capitale.

Une recette simple qui fait mouche

Du lait de vache, de la crème fraîche, des ferments lactiques, une pointe de sel pour faciliter la conservation, et c’est tout! À peine égouttés, les fromages sont emballés dans du papier aluminium. Leur conditionnement en portions individuelles, huit carrés dans une barquette en bois, était très moderne pour l’époque. La barquette est aujourd’hui en carton, et le Carré Gervais (rebaptisé « Carré Frais ») existe en deux formats, mais les valeurs qu’il véhicule n’ont pas changé d’un iota : simplicité, fraîcheur et authenticité.

Comment cuisiner le Carré Frais ?

Il faut d’abord l’ouvrir délicatement, comme un petit cadeau. Un peu de sérum perle parfois, signe d’un produit vivant et naturel. Pauvre en matières grasses et trois fois plus riche en protéines que le lait, le Carré Frais se prête à maintes déclinaisons salées, sucrées, chaudes ou froides. Ingrédient absolument passe-partout, il apporte une touche d’onctuosité et de fraîcheur. De A comme apéro à V comme velouté, il accompagnera toutes vos idées gourmandes.

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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 241, 2017)

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