Crottin de Chavignol : petit fromage, grandes saveurs
Très populaire, le crottin de Chavignol possède une vraie richesse de saveurs et ne se mange pas que chaud en salade.
Le succès est réducteur. En une trentaine d’années, le crottin de Chavignol chaud sur lit de salade est devenu le classique (on n’ose dire la tarte à la crème) des brasseries. Une poignée de mesclun, lardons et croûtons et, vite fait bien fait, un crottin tiédi sous la salamandre.
« La popularité de cette recette a dopé notre production », explique Gilles Dubois-Boulay, affineur à Chavignol.
Mais du coup, l’image du crottin de chavignol s’est réduite à un fromage doux et tendre. Or l’éventail de ses saveurs est infini. Plus affiné, demi-sec ou sec, le crottin devient bleu et prend un délicat parfum de noix. Il existe même une version “repassée”, conservée dans un pot de grès après affinage, réservée aux amateurs de sensations fortes.
Le succès grâce au chemin de fer
À Chavignol, au centre de la France, la fromagerie Dubois-Boulay est dans sa famille depuis quatre générations. Lorsqu’il l’a créée en 1886, l'ancêtre de Gilles, Moïse Boulay, avait senti le vent tourner : le crottin de Chavignol se préparait un destin national grâce à l’ouverture de la ligne de chemin de fer Paris-Nevers. Il se lança dans la collecte de fromages dans les fermes et se chargea de les expédier, une fois affinés, jusqu’aux halles de la capitale. Aujourd’hui, la maison Dubois-Boulay travaille avec une trentaine de producteurs du Cher et alimente toujours Rungis.
Crottin de Chavignol, AOC depuis 1976
Ainsi fut promu le fromage qui arrondissait jadis les fins de mois des modestes vignerons sancerrois. Une affaire de femmes, qui laissaient leurs chèvres pâturer entre vignes et chaumes. Il y avait parfois des trous, où les bêtes allaient boire, des crots, en berrichon, d’où le nom de crottin. Tous les jours, après la traite, il fallait faire le fromage. Le caillé était d’abord préégoutté sur un linge (caractéristique qui figure dans l’AOC, créée en 1976), puis mis dans des faisselles. Placés en cave, à côté des barriques, les fromages étaient ensuite retournés plusieurs fois. C’est ainsi que le crottin a pris sa forme sympathique, petit cylindre ventru aux arêtes cassées.
Entre coteaux et vallons, à Chavignol, les amateurs n’ont pas à tâtonner. Le terroir donne la note, tout crottin de chavignol appelle un sancerre. D’ailleurs, Chavignol n’est qu’un hameau de la commune de Sancerre, avec laquelle il a fusionné en 1794. L’alliance du vin et du fromage, c’est ici un art de vivre. « Pas un vigneron, raconte encore Gilles Dubois-Boulay, n’aurait l’idée de faire visiter ses caves sans emporter deux ou trois fromages. Et moi, j’aime bien déboucher une bouteille de blanc pour faire goûter un crottin. »
C’est peut-être, en effet, la meilleure manière de l’apprécier. À l’improviste, en apéritif ou casse-croûte, mais sans vinaigrette. Plutôt comme un bonbon.