Qu’y a-t-il sous ces quelques feuilles de châtaigner nouées comme des dragées de baptême, par un simple brin de rafia ? Quel mystère se cache dans le fromage Banon si délicatement enveloppé ? Peut-être un amandier en fleurs au milieu de la garrigue. Des montagnes sombres hantées par le fantôme de Giono. Des étendues infinies de lavande. Un art de vivre raffiné en tout cas. Celui des bergers qu’évoque Virgile dans ses Bucoliques. Une belle histoire. Une légende. Le banon, c’est d’abord un paysage. Comme une quintessence de la Haute-Provence, dans ce qu’elle a de plus austère et de plus authentique.

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Formage de chèvre Banon
Fromage de chèvre Banon dans son enveloppe de feuilles de châtaignier barmalini/Shutterstock

Comment expliquer sinon la notoriété nationale, voire internationale d’un fromage qui, c’est le moins qu’on puisse dire, se garde bien d’inonder le marché ? Avec une production de 50 000 tonnes par an, nous sommes dans l’une des plus petites appellations de France. Jeune de surcroît, puisqu’elle n’a qu’une vingtaine d’années. Mais peu importe : on réclame du banon à Paris, voire à Londres. De toute façon, le banon est bien meilleur lorsqu’on le déguste sur place, avec la montagne de Lure en point de mire.

La fabrication du fromage banon

En sillonnant la région, qui va du plateau d’Albion (Vaucluse) à Laragne (Hautes-Alpes), il arrive qu’on tombe sur de « faux » banons. Même taille, même enveloppe protectrice sauf que le fromage… est à base de lait de vache. C’était possible autrefois mais le cahier des charges de l’AOC est désormais strict. Seules les chèvres ont été retenues, et encore à condition de pâturer dans les collines au moins deux cent dix jours par an. Une manière de plus de coller à ce territoire âpre et rugueux.

Curieusement, après des années difficiles, nous sommes aujourd’hui en sous-production. Sans doute parce que le banon exige beaucoup d’efforts de la part des producteurs. Le processus de fabrication est plus délicat que celui d’un fromage de chèvre ordinaire, et le pliage des feuilles exige un savoir-faire qui ne s’apprend qu’avec l’expérience.
Mickaël Bossut, producteur fermier des fromages banon
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Pas question, non plus de transiger avec les méthodes de fabrication, puisque le banon est unique en son genre. Il est en effet le seul fromage de chèvre à ne pas être obtenu par fermentation lactique, mais par affinage lent d’un caillé doux. Sa pâte moelleuse se rapproche plus… d’un camembert que d’un pélardon. Enfin, l’emballage sous feuilles de châtaigner est bien évidemment obligatoire. Pas (seulement) par coquetterie, mais parce qu’une partie du goût en dépend. Ainsi cette technique, utilisée naguère par les paysans pour conserver et transporter leurs fromages, permet le transfert de certains tanins des feuilles au fromage. Ce sont eux qui donnent au banon une saveur particulière.

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