Voici bien le fruit par excellence. Celui que tout le monde aime, celui que l’on fait goûter en premier aux tout-petits. Celui que l’on glisse plus tard dans le cartable et que l’on emmène ensuite au bureau. L’incontournable des tartes, des compotes, des salades de fruits. Et même des poêlées salées. Consommé depuis le Néolithique, cultivé dès l’Antiquité, il doit d’ailleurs son nom au mot générique pomum, qui en latin désigne un fruit en général et non une variété particulière. C’est d’ailleurs une mauvaise traduction de son nom originel et botanique – malum – qui lui doit d’être le symbole du mal et de la faiblesse d’Ève.

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Pomme reinette grise du Canada
Pomme reinette grise du Canada Photo : Valérie Lhomme

En France, la pomme est incontestablement le fruit best-seller. Nous en consommons 18 kg par an et par ménage, et un fruit sur cinq achetés est une pomme, ce qui la place loin devant les bananes et les oranges qui viennent ensuite sur la liste. Mais les Français ne sont malheureusement pas les champions de la diversité. L’emblématique golden truste en effet un tiers du marché. Pour sa défense, on peut faire valoir qu’elle est réputée pour sa culture facile et sa bonne conservation. C’est aussi la seule variété en France à bénéficier de labels de qualité et d’origine (AOC pomme du Limousin, IGP pomme de Savoie, Label rouge pommes des Alpes de Haute-Durance). La gala (16 % des pommes produites en France) vient en deuxième position, suivie par la reinette grise du Canada, qui, comme son nom ne l’indique pas, est une variété ancienne française. Au total, une trentaine de variétés sont produites en France. C’est peu au regard des quelque 10 000 recensées de par le monde. En 1900, on en comptait encore plus d’un millier sur notre territoire. La belle fille, la patte de loup, la gros locard… On retrouve ces variétés rares aux noms qui chantent le terroir dans les vergers conservatoires. Elles sont aussi activement défendues par des associations comme celle des Croqueurs de pommes qui réunit 8 000 pomologues amateurs et non moins passionnés de toute la France.

Pas de quartier, pas de saison

Le consommateur a aussi tendance à oublier que la pomme est un fruit saisonnier. Certes, elle se conserve particulièrement bien. C’est d’ailleurs pourquoi les nomades qui sillonnaient la route de la soie et les conquérants romains l’embarquaient déjà dans leurs musettes. Mais faut-il rappeler que la pomme se récolte à l’automne ? Si nos grands-parents la conservaient quelques mois à la cave ou au cellier, la grande distribution nous en met à disposition toute l’année. Pour ce faire, une technique de conservation a été mise au point : les pommes sont stockées tout l’hiver dans des chambres froides et obscures, dans une atmosphère pauvre en oxygène. La pomme ralentit alors son métabolisme. Un processus naturel, mais qui nécessite néanmoins une dépense énergétique. Pour répondre à la demande, on a aussi recours aux importations. Si la France est le troisième producteur européen – après la Pologne et l’Italie – avec 1,5 million de tonnes en 2014 et exporte la moitié de sa production, elle importe aussi chaque année 150 000 tonnes du Chili, d’Argentine, d’Afrique du Sud ou de Nouvelle-Zélande. Pas très bon non plus pour le bilan carbone…

La mésange au secours de la pomme

Pomme granny-smith
Pomme granny-smith Photo : Valérie Lhomme

Une bonne nouvelle quand même ? Oui ! La pomme, riche entre autres en antioxydants, est souvent citée pour ses vertus diététiques (« une pomme chaque matin éloigne le médecin »), et la filière tout entière se refait une santé. La pomme est en effet un des fruits les plus traités. Selon l’Inra, ce fruit très sensible aux champignons et aux insectes peut subir jusqu’à une quarantaine de traitements pesticides. Depuis plus de quinze ans, les pomiculteurs de France se sont donc engagés dans une démarche de production fruitière intégrée (PFI). Aujourd’hui, avec 860 000 tonnes de pommes produites par an, les vergers éco-responsables représentent plus de la moitié de la production française globale. Concrètement, il s’agit d’une méthode de production de fruits de qualité, cueillis à la main à maturité, privilégiant des méthodes écologiques comme l’introduction de mésanges dans les vergers pour détruire les nuisibles. Et ce sont 1 500 producteurs, qui, au cœur de leurs villages, s’efforcent de préserver la biodiversité et de produire de multiples variétés. Comme Laurence, ex-ingénieur en travaux publics, aujourd’hui pomicultrice dans le Cher, où elle a repris les vergers de ses parents. Parmi une vingtaine de variétés, elle produit les inévitables golden et gala, mais aussi la savoureuse petite rubinette. Vous connaissiez ? Rien que son nom donne envie de la croquer !

Pommes à couteau ou à cuire ?

Les pommes à cuire supportent bien la cuisson, sans se déliter. Ce sont les championnes de la pâtisserie. On les utilise pour les poêlées, les beignets, les pommes au four et bien sûr les tartes. On peut citer la reine des reinettes. Les pommes à couteau, appelées aussi « pommes de table », sont destinées à être croquées crues, comme la granny-smith. En fait, rares sont les variétés actuelles qui ne passent pas indifféremment de la table à la casserole. On les choisira donc, selon les recettes, plutôt acidulées, sucrées, croquantes ou juteuses.

Pomme de reinette et pomme d'api

Le terme reinette regroupe des dizaines de variétés, d’aspects parfois assez différents. Autrefois, chaque région avait sa variété de reinette. Petite reine des pommes, elle était considérée comme la meilleure de toutes, celle qui se conservait le plus longtemps. On fait aujourd’hui plutôt référence à la reinette grise du Canada, reconnaissable à sa peau grise et rugueuse, ou à la reine des reinettes, une petite pomme rouge et jaune. Quant à la fameuse pomme d’api de la chanson, il s’agit d’une variété ancienne de petite taille, connue depuis le XVIe siècle. 

Un faux fruit !

Botaniquement parlant, la pomme n’est pas un fruit, mais un « faux fruit » (ou « fruit complexe »). C’est-à-dire qu’elle n’est pas issue du pistil de la fleur mais du développement  du réceptacle, la partie qui relie la fleur au pédoncule.  Le fruit du pommier est théoriquement uniquement la partie centrale de la pomme contenant les pépins. La poire ou la fraise sont également des faux fruits.

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Article paru dans le magazine Saveurs n° 222, 2015

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