L’histoire du morbier, c’est un peu la revanche du petit frère délaissé. Il est né en Franche-Comté, là où règne son aîné, le comté, aux mensurations impressionnantes. Lui ne mesure qu’une quarantaine de centimètres de diamètre et n’apparaît guère dans les textes qu’au milieu du XIXe siècle. Pourtant, comté et morbier, dont les territoires se recoupent (Jura, Doubs et quelques cantons de l’Ain pour le morbier), sont l’endroit et l’envers d’un même décor.

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Sur ces verts pâturages qui jouxtent la Suisse, durant des décennies, l’un n’alla pas sans l’autre. Et, pour faire bonne mesure, on pourrait aussi ajouter à cette famille le bleu de Gex et le vacherin du Haut Doubs (ou Mont d’Or).

Sa fabrication

Question de géographie physique, mais aussi humaine. Du côté de Pontarlier ou de Morteau, on parle de fruitières. Drôle de nom pour désigner une forme ancienne de coopérative paysanne. C’est que la fabrication du comté a exigé, très tôt, que les éleveurs se regroupent pour mettre en commun le « fruit » de leur travail. Cependant, l’habitat est dispersé dans les montagnes du Jura, et les hivers y sont rigoureux. Certaines fermes étaient trop isolées pour que les éleveurs puissent effectuer tous les jours le trajet jusqu’à leur fruitière. Du coup, afin de conserver le lait de vache, ils ont fabriqué un fromage maison. Morbier, vacherin et bleu sont nés de là.

Le morbier est à base de lait cru, chauffé à 37°C, mais jamais cuit. Le caillé est mis sous presse, et le fromage morbier mûrit en cave durant quarante-cinq jours.

Signe distinctif : le fin liseré noir qui traverse la meule. Comme il était rare, au siècle dernier, qu’une traite permette de réaliser un fromage complet, on mettait le caillé en attente dans un cercle à moitié rempli. Pour le protéger des mouches, on répandait dessus de la suie ou de la cendre. On versait ensuite le produit de la traite suivante.

Dans les laiteries modernes, ce trait distinctif a été maintenu par l’adjonction d’une fine couche de charbon de bois.

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Détenteur d'une AOC puis d'une AOP

Il se trouvait, autrefois, des mauvaises langues pour ricaner : il essayait d’imiter ainsi la moisissure d’un bleu. Mais depuis qu’il a obtenu son Appellation d’origine contrôlée en 2000, il prospère. La production locale (8 000 tonnes) a doublé en dix ans. Sa saveur douce, tendance noisette, plaît. Et, surtout, il s’est réconcilié avec sa propre histoire. Comme le camembert ou le coulommiers, il était en effet devenu apatride sous la pression des grands groupes. Désormais, c’est bien en Franche-Comté qu’on le fabrique. Trois éleveurs font du fermier, et le cahier des charges, pour tous, est strict : le lait doit provenir des deux races de vaches locales, la montbéliarde et la simmental. La ville de Morbier, qui a donné son nom au fromage, a de nouveau une fromagerie. Et même un concours, qui a lieu chaque fin août et qui permet de désigner les meilleures meules de l’année parmi celles d’une quarantaine d’exposants. Avec, à suivre, une « morbiflette » géante une tartiflette à base de morbier

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