• Origines : au Moyen Âge, le pain d’épice a suivi la route… des épices pour arriver jusqu’en Alsace. Les monastères ont conservé la recette, qui a été ensuite diffusée par des « paind’épiciers ». Regroupés en une corporation distincte de celle des boulangers, ils ont prospéré en Alsace.
  • Signes distinctifs : parmi les motifs qui ornent le pain d’épice d’Alsace, saint Nicolas revient très souvent. À l’origine, le marché de Noël avait lieu à Strasbourg avant la Saint-Nicolas (le 6 décembre), et les pains d’épice étaient frappés à l’effigie du saint patron. Mais sous l’influence des protestants, qui n’aimaient guère ce genre de dévotions, le Christkindelsmärik a été consacré à l’enfant Jésus. Résultat : l’effigie du Père Noël concurrence désormais celle de saint Nicolas.
  • Situation sociale : autrefois friandise destinée aux enfants, le pain d’épice d’Alsace est en pleine renaissance. Plusieurs fabricants s’attachent à lui rendre sa noblesse et il tient son rang tant dans les dégustations de foie gras que dans les animations au vin chaud qu’organisent les vignerons tout le long de la célèbre route des vins. 

Le pain d’épice parfume tout l’Est de l’Europe. Ce « fossile du Moyen Âge », comme l’appelle joliment Jean-Robert Pitte, universitaire et spécialiste de la gastronomie, se retrouve de Nuremberg à la Croatie du Nord, où il est inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco. L’Alsace, qui a longtemps fait partie du Saint-Empire romain germanique, est l’une de ses vitrines françaises, avec Reims et Dijon. La région a d’ailleurs proclamé Gertwiller, « capitale du pain d’épice ». Il faut dire que l’on a compté dans ce petit village tout proche de Barr jusqu’à neuf fabricants de pain d'épice au XIXe siècle. Il en subsiste deux, et non des moindres : les maisons Lips et Fortwenger.

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À chacun son pain d'épice

En Alsace, le pain d’épice est l’objet d’infinies variations. Il y a les basiques, bruns et moelleux, en forme de cake ; les cœurs et les étoiles finement décorés au pochoir ; les barres que recouvre une image naïve et colorée ; et surtout de fines langues croustillantes recouvertes d’une couche de sucre. Cette version, qui ressemble au spéculoos, fait le bonheur des enfants sur les marchés de Noël. Il faut dire qu’ils ont tous été nourris à la légende de Hansel et Gretel, que la sorcière avait attirés grâce à une maison… en pain d’épice !

Les recettes varient. Chaque famille avait autrefois la sienne, soigneusement consignée dans un cahier. Toutefois, Michel Habsiger, patron de la très orthodoxe maison Lips, défend quelques règles. Chez lui, le mélange de farine de seigle et de froment est travaillé sans levure ni crème ni beurre, ce qui permet de conserver plus longtemps le produit. Le miel et le sucre doivent être dosés avec tact. Pour obtenir des formes originales, qui vont de l’Alsacienne en coiffe au petit bonhomme Menele, on n’utilise pas un moule, mais un emporte-pièce, dont chaque fabricant de pain d’épice a sa propre collection.

Un savant dosage

Restent les épices, qui font la signature de l’artisan. Comme le vin chaud ou les Bredele, elles replacent l’Alsace au cœur de l’épopée rhénane, du temps où se croisaient, grâce au fleuve, les draps de Flandres, les blés de France et toutes les senteurs épicées de l’Orient. Aujourd’hui, chaque cuisinier a sa propre idée du mélange. À Strasbourg, Mireille Oster, infatigable voyageuse, conjugue dans son pain d’épice clou de girofle, macis, gingembre, cardamone, anis vert ou poivre. Tel est le paradoxe : ce sont toutes ces saveurs venues de loin qui font du pain d’épice une spécialité d’Alsace et que l’on n’hésite pas à utiliser en cuisine en version sucrée ou salée.

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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 242, 2017)

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