Raisin : ses bienfaits, blanc ou rouge, comment le cuisiner
Dès que la saison arrive, on se jette sur ses fruits gorgés de soleil comme des bonbons, en oubliant qu’ils se prêtent aussi très facilement à de nombreuses préparations. Et si on essayait ?
U n grain par-ci, un grain par-là… On en picore l’air de rien tout au long de l’été indien, à raison de 5 kg par an et par habitant. Ce chiffre semble modeste en regard de notre consommation de bananes (8 kg) ou de pommes (16 kg), mais il témoigne cependant d’une orgie saisonnière de raisin. Il fait bon butiner d’une grappe à l’autre, égrenant au fil de nos envies une baie dorée, une baie verte, noire ou violette…
Mais que sait-on au juste de ce fruit, de ses variétés, de son mode de culture ? Qu’est-ce qui différencie un chasselas d’un muscat, un cardinal d’un alphonse-lavallée ? À l’origine, la vigne était une liane que, par greffage, les viticulteurs ont métamorphosée en arbuste tortueux. Sur le pied (appelé cep) poussent les sarments (branches) qui portent les rameaux. Au printemps, la vigne fleurit et trois mois plus tard, les rameaux ploient au-dessus des grappes (parfois jusqu’à cinquante par vigne). De ces grappes, les hommes firent d’abord une boisson fermentée et ce, bien avant notre ère. Ce n’est qu’au XVIe siècle que le raisin de table devint à la mode. Il s’invita aux banquets des rois qui n’hésitaient pas à en faire venir du midi de la France, à dos de cheval ou de mulet, dans des caisses garnies de son. Mais il demeura un mets de luxe jusqu’à la crise viticole du XXe siècle. En quête de nouveaux débouchés, les viticulteurs se mirent à planter du raisin de table, blanc et noir, qui trouva rapidement son public grâce à l’expansion des modes de transport et de conservation.
Sur la table ou dans la cuve ?
Il existe dans le monde quelque 6 000 cépages connus, qui donnent soit du raisin de cuve (80 % de la production mondiale), soit du raisin de table (15 %, le reste étant utilisé pour produire du raisin sec). Certains cependant, comme le chasselas, sont mixtes et peuvent aller indifféremment sur la table ou dans la cuve. En règle générale, un raisin de table se reconnaît à ses grains plus charnus et plus sucrés et surtout à sa grappe, plus lâche, moins dense. Les grains n’y sont pas serrés comme des sardines en boîte et s’égrènent facilement. La conduite d’un verger à raisin de table est différente de celle d’un vignoble. Les sarments sont taillés en lyre (en Y) pour que chaque grappe pende librement, qu’elle soit aérée, que les grains ne pourrissent pas, grossissent et bronzent uniformément. À l'inverse, dans le cas du raisin de cuve, on cherche à obtenir de petites baies concentrées en sucres et en arômes. On ne parle pas de vendange pour le raisin de table mais de récolte. La délicatesse est de mise. Les grappes sont ciselées à la main, minutieusement épurées des grains altérés et doucement déposées dans des cagettes sur le lieu même de la cueillette, pour éviter d’inutiles manipulations. Un tiers des grappes que l’on trouve sur nos étals ont mûri sous le soleil français, principalement les variétés chasselas, muscat-de-hambourg et alphonse-lavallée. Le reste provient d’Italie (70 %, variété italia), d’Espagne (16 %) et au cours du premier semestre, de l’hémisphère sud (10 %).
Une grappe d’idées pour le cuisiner
Fragile, le raisin se conserve idéalement dans la partie centrale du réfrigérateur, enveloppé dans un sachet (papier ou plastique) mais pas plus de cinq jours. Sortez-le en même temps que le fromage, une heure avant de le croquer. Surtout, gardez-vous de gommer la fine pellicule blanchâtre et cireuse qui recouvre les grains ! Ce n’est pas la trace d’un quelconque traitement chimique mais au contraire le gage d’une parfaite maturité. La pruine, tel est son nom, se forme au petit matin, quand la vigne émerge des brumes de la nuit. Elle protège les baies des agressions climatiques. Un rinçage sous l’eau de la grappe suffit.
Fort conciliant, le raisin s’invite dans de multiples recettes salées ou sucrées. Attention toutefois : les variétés à peau fine supportent mal la cuisson. Même en décoration, vous pouvez agrémenter votre table de grains de raisin givrés : roulez-les dans un mélange de sucre glace et de citron, faites-les ensuite tremper dans un blanc d’œuf légèrement battu et saupoudrez-les de sucre semoule avant de les faire sécher.
Enfilez quelques grains sur une brochette en alternance avec des cubes de fromage, des dés de crudités, des feuilles de menthe, des crevettes… Concluez votre barbecue-party avec des brochettes caramélisées mi-figue mi-raisin, saupoudrées dès la sortie des braises de pistaches ou de noisettes concassées. À propos, d’où vient l’expression mi-figue mi-raisin ? Des Corinthiens, filous, qui ajoutaient en douce quelques figues à leurs cargaisons de raisins secs qu’ils livraient à Venise (la figue, moins chère, alourdissait le poids des caisses).
N’hésitez pas à vous livrer à des orgies uvales* car le raisin regorge de bienfaits. Riche en fibres (bon pour le transit) et en minéraux (en particulier potassium mais aussi fer, sodium, calcium, magnésium et phosphore), il a des vertus diurétiques. Pour une cure de vitamine B, préférez le raisin noir qui en contient plus que le blanc. Et vous voilà parés pour affronter l’hiver !
Raisins sans pépins
- Une grande famille de raisins rassemble les apyrènes, autrement dit les variétés sans pépins. Depuis l’Antiquité, on les utilise pour faire des raisins secs. Mais depuis quelques années, les apyrènes font une poussée remarquée dans les compotiers. Serions-nous devenus trop délicats, gênés par un pépin nous chatouillant la glotte ? Quand ils ne trônent pas sur la table, les apyrènes s’invitent dans les boîtes de conserve (cocktails de fruits), s’imbibent d’alcool et s’enrobent de chocolat ou se retrouvent sur les étals, tel le sultanine.
- Les autres variétés (raisins de Smyrne, de Corinthe…) subissent une dessiccation naturelle (au soleil) ou artificielle (au four ou en tunnel de séchage), souvent mixte. Puis ils sont huilés (à l’huile de palme, de colza ou de tournesol) pour éviter qu’ils ne collent les uns aux autres et pour ralentir la déshydratation qui se poursuit au-delà de l’ensachage. Seuls les raisins secs « bio » échappent à cet enrobage.
- Pour redonner du moelleux à des raisins un peu trop momifiés, faites-les gonfler dans un bain d’eau ou de rhum pendant une minute au micro-ondes.
Le saviez-vous ?
Raisin de table, raisins secs, vin ou jus de raisin frais… Les déclinaisons du raisin ne s’arrêtent pas là.- L’huile de pépin de raisin est extraite des résidus de raisin de cuve, après pressage. Les pépins contiennent des polyphénols – des molécules qui aident notre organisme à se défendre contre certaines agressions en augmentant la résistance des capillaires sanguins et en diminuant les risques de bouchage des artères par des caillots. Ils correspondent aux tanins du vin. Cette huile inodore qui tolère la friture convient aux personnes qui surveillent leur cholestérol.
- Le raisiné est une mixture mi-compote mi-confiture réalisée avec des raisins noirs auxquels on ajoute des fruits (poires, coings...).
- Côté cosmétiques, de nombreuses marques se sont approprié les vertus de la vigne pour créer des produits de beauté à base de feuille de vigne, de pulpe ou de pépin de raisin, surfant sur leurs propriétés anti-oxydantes.
*Uval : qui a trait au raisin.
(Article publié dans le magazine Saveurs n° 164, 2008)