L’île japonaise de Shikoku, située non loin de la côte Pacifique, abrite le petit village d’Umajie recouvert à 96 % de forêt. Noyé sous une végétation luxuriante, ce bourg montagnard est régulièrement balayé par une brise qui dégage un doux parfum citronné. Ses quelque 900 habitants se sont spécialisés dans la culture du yuzu, un agrume réputé pour sa finesse gustative. Si, à l’origine, ce fruit issu du croisement de la mandarine sauvage et du citron d’Ichang est originaire de Chine et du Tibet, il a trouvé sur les pentes humides et pluvieuses japonaises une terre propice à son développement. Résistant à des températures allant jusqu’à - 12 °C, l’arbuste yuzu – du même nom que le fruit – exige une bonne pluviométrie. C’est pourquoi il est désormais cultivé en France, en Normandie et dans les Landes. Il faut ensuite attendre quatre ans avant la première récolte. Fécond, l’arbuste peut produire jusqu’à 20 kg de fruits. Ils sont mûrs et prêts à être dégustés lorsque leur écorce épaisse, verte et cabossée se pare d’une teinte jaune. L’année suivante, il peut ne rien pousser sur les branches ! La culture du yuzu est donc aléatoire, justifiant en partie sa rareté sur les étals : d’octobre jusqu’aux premières gelées. Le tronc du yuzu est recouvert de longues et fines aiguilles, et les producteurs redoutent le vent qui secoue les arbustes car elles piquent alors les fruits et altèrent leur qualité.

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De l’écorce aux pépins

Emblème national du Japon, le yuzu fut d’abord utilisé à des fins médicales et cosmétiques. Mais c’est en cuisine qu’il est le plus recherché. De la taille d’une grosse orange, ce fruit dégage un parfum subtil, oscillant entre celui de la mandarine, du citron vert et du pamplemousse. n bouche, son acidité tranchée est marquée par des notes florales et délicates.

Le yuzu donne du relief aux préparations culinaires. En sucré ou salé, séché ou frais, ses utilisations sont multiples. Dans l’alimentation japonaise, le jus entre principalement dans la préparation de la sauce ponzu (à base de sauce soja, de jus d’agrumes, de vinaigre et de sucre) qui aromatise le poisson. La peau épaisse du fruit est appréciée pour les marmelades, tandis que son zeste sert autant de condiment pour le miso que pour la confection de mets délicats, comme le chocolat. Même ses pépins peuvent être torréfiés ! La fleur de l’arbuste, qui éclot à la mi-mai, aromatise les sakés et le thé blanc japonais.

Le parfum particulier de ce fruit et ses utilisations n’ont pas échappé aux stars de la gastronomie. Le pâtissier Pierre Hermé fut l’un des premiers à l’intégrer à ses pâtisseries, suivi par Pascal Barbot, chef étoilé de L’Astrance, à Paris, avec son crabe au yuzu, Alain Ducasse ou, plus récemment, Christophe Michalak avec son Succès yuzu et praliné.

Cet agrume délivre peu de jus et compte de très nombreux pépins. Il est donc nécessaire pour pouvoir le travailler d’en avoir en quantité. Mais le yuzu n’est pas réservé qu’aux hautes sphères de la cuisine. On le trouve dans le commerce sous forme de jus ou vendu en écorces, ce qui permet de se familiariser avec le fruit et de profiter des arômes singuliers de cet agrume hybride !

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(Article publié dans le magazine Saveurs n° 280, 2021)

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